C’est avec tristesse que j’apprends la disparition de Bruno Le Floc’h, mais c’est avec colère d’apprendre une des raison de sa disparition. Voici le texte de Mme Tartare, que je vous relaye :
Un ami a décidé de nous quitter, Bruno Le Floc’h. Après l’immense tristesse que cela a suscitée chez tous ceux qui le connaissaient comme nous, maintenant j’éprouve une immense colère. Pourquoi ce geste ? Nous ne le saurons jamais, seul lui aurait pu nous dire ce qu’il avait au plus profond de son cœur. Mais en parlant avec bon nombre d’entre vous, une chose est certaine c’est qu’il venait d’avoir un problème avec son éditeur : Dargaud. Il a écrit à l’un de ses amis : « Je me suis fait viré » et au Festival de St Laurent sur Sèvre « « Bonjour à toutes et tous, suite à des problèmes avec Dargaud, je renonce aux séances de dédicaces et aux salons. La mort dans l’âme. Merci pour vos invitations, désolé de ne pouvoir y répondre comme nous l’aurions désiré ». Nous ne pouvons pas croire que cela ne l’ait pas profondément affecté.
Depuis seize ans que nous organisons notre salon et côtoyons un grand nombre d’auteurs, nous pouvons témoigner de tant d’histoires de ce genre. Si les auteurs ne peuvent se rebeller, nous nous n’avons rien à perdre…nous ne sommes pas tenus par ces éditeurs sans scrupule qui ne pensent qu’à l’argent et méprisent les auteurs avec lesquels ils travaillent souvent depuis des années. Comment peut-on jeter quelqu’un du jour au lendemain sans aucun souci, comment peut-on proposer un contrat de misère à un auteur qui travaille depuis des années pour le même éditeur et qui lui a rapporté de quoi s’offrir une vie de rêve. Comment peut-on refuser toute évolution dans la création en obligeant un auteur à continuer une série sous prétexte de rentabilité ou de « nombre de titre au catalogue ». Vous avez tous entendu : « continu ce que tu fais et un jour peut-être nous verrons ton autre projet »… Ne parlons pas de ces jeunes auteurs qui travaillent pour rien, certains nous ont dit : 40 euros la planche. Qui s’engraisse sur votre dos ? Chers auteurs je pense que l’on vous traite et vous jette comme du bétail. Nous ne pouvons même pas dire que c’est au nom de la qualité, quand on voit certaines productions qui feraient mieux de ne pas paraître. Et oui les éditeurs ont noyé le marché pour mieux vous sous payer, pour mieux vous exploiter, pour donner l’espoir à la jeune génération tout en sachant que demain eux aussi seront jetés après un premier ou deuxième album. Ils sont tout puissants et ils ont droit de vie ou de mort sur vos créations et parfois sur vous. Voilà ma colère…Il est beau le monde de la BD !
Je voudrai dire aussi à tous ces coureurs de dédicaces que j’ai souvent entendu dire en parlant de vous « ils ont de la chance, ils travaillent chez eux, ils font un métier qu’ils aiment… » : Oui effectivement mais à quel prix ? Le prix de la solitude, des doutes, des humiliations, des difficultés financières, de la remise en question quotidienne, est-ce enviable, je ne le crois pas… Tout cela mérite respect et considération. On s’insurge contre les multinationales qui licencient à tour de bras, mais ne croyez pas qu’il en soit autrement chez les éditeurs. C’est bien plus insidieux et pervers, les auteurs étant éparpillés, non syndiqués, non représentés, pas d’annonce de plans sociaux mais juste un revers de main pour les congédier. Si dans le monde du travail l’expérience est récompensée, pour vous, auteurs, il faut souvent, à chaque nouveau projet, redémarrer à zéro, A quel titre tous ces grands pontes de la BD, directeurs de collection et tout le cirque, se donnent -ils le droit de vous traiter ainsi…. Au titre du fric…sans tenir forcément compte du lectorat et de la diversité que doit offrir la culture.
Voilà ce que je pense de vous éditeurs sans scrupule, de votre monde inhumain, qui ont contribué sans doute au départ prématuré de notre ami Bruno.
Annick de Gisors
Comme s’assume complétement mes propos, je vous demande de transmettre ce message à tous vos amis auteurs ou non, pour que le départ de Bruno ne reste pas sans échos.
merci